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Memento

Comme certains j’imagine, je n’étais pas très proche De Richard et pour moi, il n’était que Descoings. A peine une fois ou deux ai-je touché sa poche, Au détour d’une marche, d’un banc ou d’un coin. Ce matin réveillée, j’entends cette nouvelle : Le Mali est en feu mais Descoings s’est éteint. Pendant cinq ans bientôt, rien de sensationnel Et pourtant je découvre, je croyais Richie mien. De problème de sciences-piste, en voilà un chagrin, Voir la rue Saint Guillaume qui a perdu son lion, Dans l’étude surement, nous nous consolerons. Enfin c’est aujourd’hui que j’apprends avec d’autres, Que chacun de Richard était un peu apôtre, Et que pour toute une vie, à Sciences Po j’appartiens

La méprise de Nana

J'ai crus voir sur l'huis l'âme de mon mignon, Qui venait follement piétiner mes amours Crachant à qui l'écoute le lait du giron Comme il est fort naïf, jeune on le croit balourd, J'ai commis la méprise de laisser genoux, Sous la tête rieuse de l'enfant pieux, Malheureuse étourdie, je frappais tout à coup, Le coeur qui aussitôt se libérait de dieu. Longtemps je l'ai laissé fureter dans mes jupes, Que dis-je, s’enivrer du bord de mes chevilles, Je le croyais nigot, peuh, il n'était pas dupe, Il savait que je ne suis pas des chastes filles. Un jour je crus pouvoir m'échapper de la fête, Mais l'affreux sottement me tenait le crachoir, Déjà j'étais découverte, et me trouvais bête, Je ne savais comment sinon le faire boire. J'eus bientôt à mon bras une bien ivre loque, Balbutiant des mots doux aux nombreux soupirants, Que j'avais, oublieuse, conviés en rentrant, Du théâtre où jouait mon mignon d'amerloque. Poin

musicale nocturne

Mardi neuf heures du soir, j'ai pris le train encore, Echaudée du voyage et rompue aux machines, Je rêve que les sièges meuvent leurs corps, et que leurs pieds arqués me chantent des comptines. Immobiles et pourtant je les vois se mouvoir, Tels des araignées en file dans le couloir, Leur silence est pesant, je préfère qu'ils piaillent, Que je rie avec eux, que je fasse ripaille. Point n'est drôle en effet, le trajet du retour, Esseulée sur mon siège, en peine de discours, J'aime à imaginer qu'ils dansent et se dandinent Rompant de leur ballet la nocturne routine. Il en va de ses jours où, aussi, fatigués, Ils s'épanchent à moi, aigrie de leur wagon, Partageant leur émoi de me voir épuisée, Ils défendent en chantant leur étrange lagon. Où je vois vase clos, où je pense prison, Ils s'octroient la folie d'y trouver poésie, Et tentent par leurs cris d'énoncer leur vision, Mais j'ai du mal ce soir à croire l’élégie. Fermant qu

Normandie

Des haltes Normandes, j'ai préféré Honfleur Les ardoises noircies des villes hanséatiques, Les fantômes pêcheurs, les pavés anarchiques, Et surtout de la pluie l'étonnante fraîcheur. Arrivée au matin, le bout des pieds tout froid, J'ai trouvé premier refuge au lavoir perdu Jusqu'aux tuiles oranges du faîte du toit La mousse avait, contre, irrémédiablement crûe. Les mâts, tels des archers, crissaient le long des cordes Demandant aux passants, pour eux miséricorde, Symphonie silencieuse en d'eau le long du port. Car enfin découvrons, Baudelaire l'a fait, Du village cendré, les multiples attraits, Et trouvons de son gris, les ardents reflets d'or.

Fenêtre sur Paris

Du haut de la grand tour, je vois le tout Paris, Il fait vent fort ce soir, et j'ai la main de glace, J'imagine d'ici, que le monde s'oublie, Et j'ai froid dans le coeur, et j'ai le vent de face. Donnez passants aigris, du temps au vieux Paris, Il chante bon matin, l'humanité moderne, Laissez-le vous séduire et griser votre nuit, Vous verrez, votre jour, n'en sera que moins terne. Passez, passants pressés, sous ma fenêtre grise, Laissez monter chez moi, des bribes de vos vies, Amitiés inconnues dont je me suis éprise, Que de l'adversité jamais je ne m'ennuie. J'aime donc au matin donner à la rue calme, Ma première humée, la naissante conscience, Et de tous les auteurs je vous donne la palme, De l'intrigue fleurie, de la chère impatience! Je vois chacun de vous, courir à l'heure des laudes, Vers un semblant d'amour et fuir le quotidien. Il faut pour s'échapper, non des contrées plus chaudes, Mais de l'

A Odilon Redon

J'ai découvert hier, ce quatrain onirique, De Redon et sa main, le rêve magnifique, Des ombres rebondies de l'imagination, Qu'il crayonne à l'envie, loisir de l'abandon. De l'eau vive ou bien forte, il use son papier Nous remet en pension ses rêves dépravés, Saisissons les regards qui distendent les cadres, Loin des longs corps tortueux de ses hydres. Un, deux, trois ses troncs amers qui se dessinent, Ainsi que Trinité, noueuses oraisons, Il manie fusains sur papier de Chine, Si bien que sur Velin il lance ses crayons. De blanc à noir, s'écoule l'infini, Encore un oeil à la sphère arrondie, Qu'il y ait trouvé sujet de prédilection, Ne questionne point notre admiration!

écrire encore

Il faut que ma plume, point je n'effraie, De l'angoisse qui soudain m'envahie, Qu'ai-je à dire du monde qui m'entoure? N'ai-je pas lu assez, qui me vienne en secours? De sa vie le poète n'a de cesse, D'enjoliver et de parer d'atours, Que ne suffisent ces joies, et paresse Jamais ne suffira pour écrire toujours. Il enrichit de ses vers la mesure, Qu'il prenne ici de nouvelles tournures, Qu'il trouve là de jolis oxymores, Mais ce n'est pas assez pour qu'il écrive encore. De quatrains en tercets, il faut parer, Au vide et la page blanche enjamber, Seul, trop vite l'écrivain fait le tour, De ses démons, lors vaut-il mieux qu'il s'entoure. Qu'importe faste ou bien désuétude, L'extrême en tout nourrit l'inquiétude, Qui pousse littérateurs au génie, Et qu'enfin de ses vers, il retrouve l'envie.